23 mars 2016

Jean Pierre Imele : « Il faut accorder à l’agriculture biologique toute la place qu’elle mérite au Cameroun »


Expert et consultant national Fao, il présente l’importance de l’agriculture biologique pour l’économie camerounaise.
Jean Pierre Imele


C’est quoi une agriculture biologique ?

L’agriculture biologique est un mode de production qui se fait sans l’utilisation des engrais chimiques de synthèse. Toutefois, ce ne sont pas tous les engrais chimiques de synthèses qui sont proscrits, comme par exemple le sulfate de potassium qui est autorisé en bio. Il est autorisé car cela permet la fructification et la métabolisation des sucres dans les fruits. En dehors du sulfate de potassium on peut aussi choisir d’utiliser de l’engrais organique. Mais les cahiers de charge bio autorisent l’utilisation des dérivés de cuivre pour protéger contre des maladies.  Bref,  bio veut dire respecter un cahier de charge et non restriction totale aux produits chimiques de synthèse.  
Au Cameroun, il y a deux sortes d’agriculture biologique. Il y a une agriculture biologique qui respecte les normes ou les cahiers de charge de l’union européenne, américaine ou japonaise et qui sont bien structurés. Il y a aussi, une agriculture biologique passive qui consiste à profiter de la faible pollution chimique de synthèse de notre environnement. C’est-à-dire, on se dit que je plante un avocatier derrière ma maison et j’ai la certitude par exemple, que personne n’y a jamais pulvérisé quelque chose de toxique, dont il sera biologique. Mais, cet avocatier n’est pas certifié. La certification étant une démarche volontaire.

Le danger de l’agriculture biologique passive est  que comme l’agriculteur n’est pas au courant des exigences de cahier de charge, il peut par ignorance jeter une pile de sa torche par exemple sur l’avocatier. Mais comme personne ne lui a dis que la pile est constituée de produits chimiques, et la rémanence dans le sol est de plus de 100 ans. Du coup, il est entrain de polluer chimiquement et involontairement son avocatier biologique.


Est-ce que le Cameroun a le potentiel pour développer l’agriculture biologique ?

Selon un rapport du cabinet Mac Kinsey sur le potentiel agronomique des pays africains, le Cameroun est présenté comme un pays qui le meilleur potentiel dans le domaine de l’agriculture. Car, nous avons beaucoup de terre irrigable en million d’hectare, on a un bon réseau d’irrigation quasi gratuit dans tout le territoire national, on n’a une façade maritime sur l’océan atlantique qui est très importante, une population relativement éduquée… Bref, on a tous les ingrédients pour faire de ce model production agricole, un véritable levier du développement économique. 

Malheureusement, on gère cela de manière marginale. On ne comprend pas qu’il faut y mettre de l’argent pour former des gens et c’est déplorable. 

Juste une remarque, il y a un ou deux ans notre chef de l’Etat quand il s’est rendu aux Etats unis avec son épouse, ils ont rencontré la dame de l’actuel président américain. Au cours de cette visite, Mme Chantal Biya avait visité un grand potager biologique que Mme Obama avait développé à la maison blanche et avait été émerveillée. On se demande, pourquoi quand elle visite des choses pareilles et elle revient dans son pays cela ne l’inspire pas.

Jean Pierre Imele/ Crédit Photo: annematho.files.wordpress.com

Comment faire pour intégrer l’agriculture biologique dans le développement économique du Cameroun ?

Il est d’abord une question de reforme des mentalités. Déjà parlons de l’agriculture en général. Il faut que les camerounais cessent de considérer que l’agriculture est une sous activité que l’on fait parce qu’on n’a pas réussit ailleurs. L’agriculture est une activité professionnelle à part entière et l’agriculture biologique est une agriculture très développée qui demande un sens d’observation, des capacités analytiques, une formation très poussée contrairement à ce que l’on imagine. Car, il faut respecter un cahier de charge et pouvoir même d’abord l’interpréter. 
L'agriculture biologique une agriculture qui demande vraiment beaucoup de ressources humaines. Donc, pour développer l’agriculture biologique au Cameroun, il faut lui accorder toute la place qu’elle mérite, parce que l’on a un immense potentiel.  Il faut que le gouvernement s’intéresse à la filière biologique, s’implique dans la structuration la filière en élaborant des cahiers de charge et en organisant de l’information autour de la filière. 

Cette information aidera les agriculteurs d’évoluer dans un cadre bien défini et développera davantage le secteur. En Ouganda par exemple, les pouvoirs publics ont compris cela et ce sont jetés corps et âmes dans la sensibilisation et les explications à travers des émissions radios, des brochures distribuées par des Ongs ougandaises et internationales des conférences et des séminaires de formation (En 2003, l'Ouganda arrivait au 13e rang mondial et au premier rang en Afrique pour la superficie consacrée à l'agriculture biologique. Le pourcentage des terres où cette forme d'agriculture est pratiquée a augmenté de 60% entre 2002 et 2007, atteignant 296 103 ha NDLR). Cela a permis à l’agriculteur moyen de comprendre ce que c’est que l’agriculture biologique et de savoir ce qui faut faire pour ne pas polluer involontairement ses fruits.

Propos recueillis par Christelle Kouétcha

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