8 août 2014

Congestion portuaire : Les tarifs douaniers à l’origine de l’entassement des containers

Une note de la directrice générale des douanes du Cameroun pour appliquer une nouvelle mercuriale des produits en provenance d’Asie a poussé les importateurs à abandonner leurs conteneurs au port.
Les containers s'entassent au port de Douala
Il a fallu en moyenne cinq mois pour que l’encombrement du port de Douala  atteigne son paroxysme. A l’origine, la note de service N°112 de la directrice générale des douanes, qui met en application une mercuriale fixée en 2010, mais qui n’est pas entrée en vigueur pendant pratiquement quatre ans. La note a été signée le 02 mai 2014. Les importateurs ont été donc surpris, de voir le prix des droits de douane augmenté de 50%.  Ainsi, pour un conteneur de 40 pieds, où l’on déboursait autrefois 7 millions de FCFA pour dédouaner, la note de service annonce qu’elle coûte désormais 14 millions de FCFA. Cette revalorisation a été une pilule difficile à avaler pour les importateurs. Ces derniers, ont décidé depuis le mois de mai 2014, d’abandonner leurs containeurs sur l’espace portuaire. L’on a appris qu’au mois de mai, ce sont près de 1000 containers qui ont été abandonnés sur le parc.  
Et au bout de cinq mois, la note de service qui est toujours en cours, a entraîné un blocage « interminable ». Au sein du Syndicat national des transitaires, transporteurs, acconiers et consignataires du Cameroun (Syntrac), l’on append que le nombre de containers abandonnés par les importateurs a atteint aujourd’hui 2000. « Il ne faut pas que l’on vienne asphyxier les opérateurs économiques. Vous ne pouvez pas acheter une marchandise, et venir dédouaner à un prix double voire triple que le prix d’achat de  la marchandise. La douane, a crée tout une cacophonie et c’est à elle de la régler », s’indigne Christophe T., importateur au marché Central de Douala. Dans la note de service la Dg des douanes, Minette Libom Li Likeng, justifie « l’impératif » de mettre en application les valeurs imposables minimales et mercuriales de 2010, sur les marchandises en provenance de Chine, par le fait que « la situation est devenue préjudiciable au trésor public ». Toutefois, force est de constater que le préjudice n’a été découvert que quatre ans après. Et, pendant cette période, la Douane a toujours affiché des résultats plutôt reluisants. Au 28 décembre 2012, par exemple, le taux de réalisation de la douane camerounaise était de 108%, pour un taux d’accroissement en valeur absolue de 49,5 milliards FCFA, par rapport à la même période en 2011. En 2013, le taux de réalisation était de 93%.
L’opposition des importateurs, a été également motivée par l’arrestation de plusieurs d’entre eux. Leurs interpellations ont été enclenchées à l’issue des plaintes déposées contre eux par les commissaires agrées en Douanes (CAD), suspendus de tout activité en Douane. En effet, la directrice générale des Douanes, a dans une note de service, procédé à la suspension de plusieurs CAD.  Minette Libong Li Likeng, reprochait à ces derniers, « de ne pas respecter la mercuriale de 2010 », souligne Laurent Ondoa, directeur général d’Only Sarl, commissaire agrée en Douane.  La première suspension, datée du 03 avril 2014, concernait huit CAD (Only Sarl, Ctac S.a, Ematrans, Ditrans, Ste Europe d’Afrique d’Affretement, Batrans, Shiptrafor, Ste Trans 2 Cogen Sarl). Mais, l’on apprend auprès des membres du Syntrac, qu’à ce jour, c’est près d’une quarantaine de CAD qui ont été suspendus pour le même motif. 
Les CAD suspendus, expliquent qu’à travers ces suspensions, plusieurs amendes leurs ont été infligées. Et, « d’après l’article 391 du code douanier, les CAD doivent imputer les préjudices qu’ils subissent en terme d’amendes aux importateurs, car nous sommes juste comme les intermédiaires entre la Douane et l’importateur », explique  le Dg d’Only sarl.  De fait, l’article 391 du code douanier, portant responsabilité des propriétaires des marchandises, stipule que ceux-ci « sont responsables civilement du fait de leurs employés en ce qui concerne les droits, taxes, confiscations, amendes et dépens ». Par conséquent, plusieurs d’entre eux ont été trainés devant la justice. L’on a appris auprès d’un CAD, qu’une dizaine d’importateurs de son portefeuille ont été traduits devant la justice. « Les affaires sont pendantes à la cour, et mes clients ont tous décidé de ne même pas sortir le moindre jeton pour dédouaner leur container », confie le CAD. 
Le dédouanement des marchandises connait donc un blocage « interminable ». Les importateurs, opposés à l’application de la note n°045/Minfi/DGD du 02 mars 2010, fixant les mercuriales désormais exigées par la douane, ont tôt fait de déposer leurs plaintes auprès du ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, dans une correspondance adressée, le 09 juin 2014, a sommé la DGD, de lui faire le point de « toute urgence » sur l’existence de plusieurs conteneurs en attente de souscription de déclarations en douane. Le 18 juin 2014, la réponse de la directrice générale des Douanes au Minfi, place les problèmes soulevés par les importateurs sur le signe des incompréhensions. D’après Minette Libom Li Likeng, ce sont « les variantes du système d’évaluation en vigueur basées sur l’effectivité des transactions adossées aux subtilités des pratiques commerciales en cours sur les places chinoises qui pourraient être à l’origine de l’incompréhension », justifie-t-elle au Minfi.
Bien avant cette lettre, les chefs secteurs de douane, avait tenu une réunion pour statuer sur le blocage des containers au port de Douala, le 17 juin dernier. A l’issue de cette séance de travail, les collaborateurs de la DGD de douane, précisaient dans leur compte rendu, que le blocage de dédouanement des marchandises en provenance de Chine, est né de la note de service n°112 du 02 mai 2014. Cette note rappelait les valeurs imposables minimales applicables aux marchandises en provenance de Chine tel que fixé par la note n°045/Minfi/DGD du 02 mars 2010. Ce blocage de dédouanement, est donc « venu s’ajouter au problème de congestion que connait déjà le port de Douala et qui a également un impact sur les recettes », avait souligné, le chef secteur dans le compte rendu de la réunion. Plusieurs responsables de l’administration douanière, ont pris part à cette réunion. Il s’agit notamment, des commandants du groupement actif Littoral 1 et 2, le sous-directeur du fret, les chefs des bureaux Douala port 1 et Transfert, le chef service des affaires générales, le chef de subdivision des arraisonnements, des accès et de la surveillance des terminaux et le chef de brigade des accès portuaires.    
Tous ceux-ci, d’un commun accord avaient proposé que les opérateurs payent comme frais de droits de douane (DD), 8 millions de FCFA pour les containers de 40 pieds et 4 millions de FCFA pour ceux de 20 pieds. Ceci, en attendant l’issue de la concertation entre les importateurs et l’administration douanière, sur l’applicabilité de la note n°112, revalorisant les DD. Ces tarifs « conciliants » ne devaient concerner que les conteneurs de marchandises divers sans attestation de vérification à l'importation (AVI).  Mais, pour les conteneurs de vêtements, de chaussures, de tissus et de télévisions, les importateurs devaient se conformer à la note n°45 du 02 mars 2010, qui fixait les mercuriales désormais exigées par la DGD. Selon ces mercuriales, les DD pour cette catégorie d’importation sont de 12 millions de FCFA pour les containers de 20 pieds et 23 millions de FCFA pour ceux de 40 pieds. Cette issue, prise par les collaborateurs de la DG des douanes, n’a pas fait bouger les opérateurs économiques.  « Un container de 40 pieds, regroupent souvent 40 à 50 commerçants. Et, chacun peut avoir dans ce container des marchandises dont la valeur n’est que de 50 000 FCFA. Alors, vous venez demander à une personne de contribuer pour dédouaner à 23 millions les vêtements  qui ne l’ont même pas coûtés la moitié du dédouanement ? Ceci, sans compter les frais de transport après dédouanement, et les monnayages que vous allez verser à certains services du port pour que votre marchandise puisse sortirIl faut revoir cette situation, car c’est impossible pour nous de suivre cette mercuriale », tranche Vincent de Paul Loumoungo, commerçant au marché Central de Douala. L’on a même appris que plusieurs commerçants de ce marché, sont impliqués dans ce mouvement de boycotte de dédouanement.
Dans le rapport d’enquête menée par le ministère des Finances (Minfi) sur  la situation des conteneurs en provenance de la Chine, le Minfi confirme que les containers abandonnés par les importateurs, sont nés d’ « une incompréhension de certains propriétaires desdits containeurs fondée sur l’imprévisibilité du traitement douanier réservé à leurs opérations, lesquels auraient décidé de marquer un temps d’observation de la note n°112/Minfi/DGD du 02 mai 2014 » , lit-on dans les conclusions de l’enquête. Elle avait été menée à la DGD et au port de Douala du 25 au 27 juin et du 1er au 02 juillet 2014, soit quelques mois après l’interpellation du Minfi sur la question. Dans les conclusions de l’enquête du Minfi, l’on apprend que pratiquement un mois après la publication de la note de service de la DGD, ce sont 988 containers en attente de dédouanement, qui séjourneraient au port. Cette situation au moment du passage de la mission avait porté le taux de congestion du terminal à conteneurs de 140%.
Aujourd’hui, les importateurs sont fermes  dans leur opposition. Pour eux, « si la direction des douanes ne revient pas sur sa décision de réévaluation des DD, les marchandises continueront à séjourner au port », tranchent plusieurs d’entre eux rencontrés. Un positionnement qui est soutenu par les CAD.  Ces derniers, soulignent que la réduction de la congestion actuelle du port, passera par l’annulation de la note de service n°112. En outre, d’après les recommandations de la mission d’investigations du Minfi, la DGD devait « envisager le réexamen, au cas par cas des circonstances et des conditions ayant entouré la suspension de certains CAD concernés entre autres par le dédouanement des marchandises en provenance de  la Chine ».  L’on a appris que certains de ces CAD, avaient pourtant reçu des mains de la DGD des distinctions. Aujourd’hui, avec leur suspension « on se demande bien quel a été le bien fondé de ces distinctions et elles devraient être annulées si on veut rester dans la logique de la Dg des douanes, qui estime qu’on n’a pas bien fait notre travail quatre ans plus tard », s’indigne un des CAD suspendus. A la Direction générale des douanes, à Yaoundé, l’on apprend que la situation de blocage orchestrée par les importateurs mécontents aura « inévitablement » un coût sur les recettes budgétaires attendues pour l’année 2014. La douane à 1952 milliards de recettes fiscales à mobiliser pour le compte de cette année.
Christelle Kouétcha    




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