27 mai 2014

Agriculture: La tomate en conserve, chasse gardée de l’importation au Cameroun

Depuis la fermeture de la Société des conserveries alimentaires du Noun, le Cameroun est dépendant de l’importation. Pourtant le pays dispose d’un potentiel de production de tomate qui n’est pas exploité, pareil pour l’industrialisation qui n’est pas encouragée, malgré le besoin.
La production de la tomates peut augmenter
Les comptoirs des marchés et des supermarchés de la capitale économique, et de tous les espaces commerciaux du Cameroun ne désemplissent plus des conserves de tomates venues des pays étrangers. Conditionnées aussi bien dans des sachets en plastique que dans des boîtes en aluminium, ces tomates concentrées viennent pour la plupart des pays comme, l’Italie, l’Espagne, le Brésil, l’Algérie, la Tunisie, la Turquie, la France, les Etats-Unis, la Chine et même le Japon. Et les marques les plus connues sont entre autres, Victoria, Le Trésor, First Class, Avena, Broli, Ndolo,…
Parmi ces marques qui se bousculent sur les marchés, une bonne partie est conditionnée au Cameroun. La pâte de la tomate étant importée de l’étranger. C’est le cas par exemple de Helena Tomato. Un cadre dans la société New Food qui distribue cette tomate en conserve confie qu’elle est fabriquée à partir de la tomate triple concentrée importée d’Italie. Cette tomate est ensuite diluée pour obtenir un double concentré qui est ensuite ensaché. C’est le cas aussi de la marque Le Trésor, qui vient de Tunisie, et est distribuée par l’entreprise Tropik Industries Cameroon. Cette technique est d’ailleurs celle utilisée par toutes les entreprises agroindustrielles au Cameroun qui commercialisent les tomates en conserve.
Cette nouvelle technique pour fournir aux consommateurs camerounais de la tomate en conserve, est entrée pratiquée dix ans. En effet, après la fermeture de la seule unité de production de la tomate en conserve du Cameroun, dénommée la Société des conserveries alimentaires du Noun (SCAN), le marché national camerounais a enregistré un déficit en double concentré de tomate. Ainsi, la SCAN, créée pour réduire les importations de tomate concentrée au Cameroun et en Afrique Centrale, avait finalement fermé ses portes et sevré le marché camerounais. Les importations de tomates concentrées se chiffraient à l’époque à plus de 6 000 tonnes par an. Et, aujourd’hui le Cameroun est totalement dépendant de l’extérieur. Au niveau de la douane, même si les responsables n’ont pas pu communiquer le montant des importations de tomates en conserve, un cadre de la structure a confié que cela se chiffre aujourd’hui à plusieurs milliards de FCFA. Sans plus.

Faible production

La production annuelle de la SCAN était en moyenne de 25 millions de boîtes de tomate concentrée pour approvisionner les marchés locaux et de la sous-région Cemac. Mais, le malheur de cette société nationale a été entre autres le faible niveau de production de tomates. « La SCAN disposait des usines pour une production de 3 000 kg de tomates par heure, mais c’est à peine que l’on recevait ses tomates, car la production des agriculteurs faisait à peine la moitié », explique un ancien cadre de l’usine. Bien plus, comme le soutiennent les ingénieurs agronomes, la matière première utilisée par la SCAN n’était pas appropriée, car contenant beaucoup d’eau. « J’ai été témoin oculaire à certains moments du matériel de transport des produits à l’usine. On pouvait voir dans les camionnettes et pousse-pousse, que dans la tomate transportée, l’eau y ruisselait des champs jusqu’à l’usine. Vous comprenez que c’était plein d’eau et par conséquent l’usine de transformation ne pouvait pas fonctionner avec de la tomate pleine d’eau si elle recherche la pâte », explique Guy Blaise Satsa, directeur général de la société semencière Semagri SARL(Société agricole pour le développement des semences).  
L’importation des conditionnements, notamment les boîtes en aluminium a également  plombé la rentabilité de l’entreprise. Ceci, bien que la Société nationale d’investissement (SNI) en collaboration avec les  producteurs, les coopératives, eut injecté dans le capital social de la société 900 millions de FCFA. Le contrat d’acquisition des emballages métalliques avait été signé avec la société italienne FABA Sud (SPA). LQE a appris que ce contrat stipulait une clause de formation dans son usine à Parme en Italie, de stagiaires de la SCAN pendant une semaine pour le fonctionnement de la sertisseuse, ainsi que la fourniture des pièces de rechange de celle-ci. Cette importation de conditionnement reste même encore appliquée par les industries agroalimentaires, qui aujourd’hui sont seulement tournées vers l’extérieur pour obtenir les pâtes de tomates. Et, « cette importation de boîtes ou même de papier en aluminium est un véritable coût pour la société. Ceci, avec tous les impôts et taxes que nous faisions dessus. En tout cas, si c’était produit localement cela serait moins coûteux pour l’entreprise », souligne le propriétaire d’une entreprise agroalimentaire, sous le couvert de l’anonymat. Celui-ci et plusieurs autres acteurs de la filière tomate estiment d’ailleurs qu’une promotion des inventions locales, pourrait booster la création et la mise en place des appareils innovants pour la fabrication de ces conditionnements.

L’Etat n’a pas d’argent

Le non-accompagnement des agriculteurs a été également un coup qui a conduit la SCAN à la faillite. Un ex-responsable de la structure confie qu’à l’époque, la société avait suggéré au ministère en charge de l’agriculture de mettre en place des programmes pour accompagner les agriculteurs. Mais, « il nous avait répondu à l’époque que l’Etat n’avait pas de l’argent pour cela », confie ce dernier. Et, visiblement plus de dix ans après, cette filière tomate est toujours aux oubliettes. Puisque des sources au ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader) révèlent qu’il n’existe pas actuellement un programme pour la filière tomate en particulier et la filière maraichère en général. Ceci, contrairement à la filière maïs, cacao, Café… Selon les statistiques officielles, la consommation moyenne annuelle en tomate, au Cameroun est de 42 kg par habitant. C’est la culture la plus pratiquée dans le domaine du maraîchage dont 39% provient de la région de l’Ouest.
En outre, l’on apprend auprès des opérateurs de la filière tomate qu’au Minader, les références de base sur lesquelles travaillent les experts de ce ministère sont des anciennes variétés, notamment celle qui donne encore 25 à 30 tonnes de tomates à l’hectare. Pourtant, aujourd’hui il existe déjà des variétés hybrides qui permettent d’obtenir plus 100 tonnes de tomates à l’hectare. Il s’agit entre autres des variétés dénommées Jaguar, Cobra, Lindo, Panthère et Nadira. A en croire le Ceo de Semagri, ces variétés sont adaptées aux conditions agro-écologiques spécifiques à chaque région. On peut donc avoir les tomates dans toutes les régions et à toutes les saisons. En tout cas « si on ne s’accorde pas sur la manière de procéder, notamment en ne communiquant pas sur les variétés actuelles, vous comprendriez que les données fournies aux agriculteurs soient faussées », souligne Antoine Moukiri, ingénieur agronome.
Mais, pour les investisseurs dans le secteur de l’agroalimentaire, même si des nouvelles variétés de tomates existent et augmentent le rendement, la quantité disponible sur le marché « n’encourage pas à se lancer dans la transformation industrielle de la tomate, car cela demande énormément de financement et pour cela il faut que la matière première soit toujours disponible ». Celui-ci faisant allusion au fait que la production de la tomate au Cameroun est à 70% revendue vers les marchés de la sous-région. Selon Issofa Nchinmoun, directeur de la Coopérative des producteurs vivriers du Noun (Cooprovinoun) à Foumbot, depuis la fermeture de la SCAN, plusieurs destinations ont été ouvertes pour écouler les tomates du Noun en général et de Foumbot en particulier. C’est ainsi que de nombreux camions chargent tout au long de la semaine en partance pour Libreville au Gabon, Kyé Ossi et la Guinée équatoriale… « Certains producteurs, en mal d’accompagnement et en l’absence d’usines de conservation vendent même les tomates encore dans les champs », fait remarquer Issofa Nchinmoun.

Forte exportation

Il souligne au passage que la mise en place des unités de transformation de tomates pourrait limiter cette « forte »exportation de la production locale de tomate qui crée la pénurie sur le marché. Cependant, le délégué régionale de la Chambre d’agriculture, des pêches de l’élevage et des forêts (Capef) pour le Littoral, Julbert Konango, estime que la pénurie de la tomate sur le marché local ne peut être résolue que si une véritable stratégie est mise en place pour l’augmentation de la production. Ceci, notamment avec des appuis et encadrement aux agriculteurs de la filière.
N’empêche, les experts en agroalimentaire soutiennent que même avec une production locale importante, il est primordial de mettre en place un programme de valorisation de la culture de la tomate, mais aussi une politique et une stratégie pour susciter inciter les opérateurs économiques à investir dans la transformation de la tomate. Sinon, « nous allons demeurer sous l’emprise de l’importation », conclut Bachirou M. Ndam, consultant en développement Local.
Cependant, il faut relever que l’investissement dans le secteur de transformation de tomates est assez coûteux. Pour plusieurs promoteurs d’industries agroalimentaires qui préfèrent distribuer les concentrés de tomate importés, le choix de recourir aux tomates étrangères se justifie par le coût élevé de l’ouverture d’une véritable entreprise locale de transformation de tomate. « Il faut vraiment avoir d’énormes financements pour expérimenter ce genre de challenge. Les équipements sont vraiment très lourds et il faut mettre en œuvre une plateforme avec les agriculteurs pour toujours avoir de la tomate de bonne qualité en permanence », fait observer Romuald Diffo, agroindustriel.
Selon des études sur la problématique de l’industrialisation de la transformation de la tomate au Cameroun, menées par le cabinet conseil Bugare Silver Milenium, en 2012, la mise en place d’une unité de production de tomate en conserve de 1 000 Kg par heure par exemple, est évaluée à environ 129 millions de FCFA. Martial Bella, le représentant de ce cabinet conseil, explique en outre qu’au cours de l’étude de faisabilité de la mise en place de l’implémentation des unités de transformation de tomates, les investisseurs qu’ils accompagnaient ont rapidement fait face à l’absence d’espace dans les zones franches industrielles. La plupart de ces zones étant déjà toutes occupées…
Christelle Kouétcha

2 commentaires :

  1. Keskil fn du pagnet d la menager?gpens p q nos mer achet svt le café ou le cacao pr fair du riz sauce arachid ou d la banane malaxé,plats favori dè menag camerounais.
    Yvan Dowsky

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  2. Puis je avoir les données sur l'importation de la tomate au cameroun ces dix dernières années? La demande nationale et la production ces dix dernières années?

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