2 avr. 2014

Agriculture: Dans l'étau de la cherté des arachides au Cameroun


La faible quantité produite est exportée vers les pays frontaliers, les agriculteurs se plaignent du coût du transport et du caractère informel de leur activité.
La production des arachides reste rudimentaire

Depuis le début du mois de septembre, les ménagères ont la possibilité de consommer en grande quantité les arachides. En effet, depuis près d’une semaine le prix de cet oléagineux a considérablement baissé. Avant hier lundi, 03 septembre, les ménagères et les détaillants se bousculaient devant les hangars des grossistes au marché oignon, l’un des points de grand approvisionnement à Douala. Ismaël Youssoufa, grossiste confie que ses vingt sacs d’arachide ont déjà été raflés par les clients « l’arachide était trop cher le mois dernier. Maintenant que les revendeuses ont entendu que le prix a baissé, c’est chacun qui se précipitent ».
La baisse est perceptible sur les différents types d’arachides présents sur les étals. Ainsi, les sacs de 50 Kg d’arachide rouge ont subi une réduction de 5000 Fcfa. Ils sont  donc vendus actuellement à 45.000 Fcfa au lieu de 50.000 Fcfa, il y a deux mois. Les vieux stocks très prisés par les fabricants de caramels, sont liquidés à 42.000 Fcfa voir 40.000 Fcfa. Au marché central, le sceau de 5 litres, qui s’écoulait à 3200 Fcfa est laissé aux consommateurs à 3000 Fcfa. Ceux-ci peuvent maintenant débourser 2000 Fcfa, pour acquérir un sceau  d’arachides rouge de 2,5 litres.  
Les arachides tintés, prisés pour les sauces sont également à la baisse. Les détaillants qui laissaient la boîte ou l’assiette à 175 FCfa, il y a deux mois, l’écoulent désormais à 150 Fcfa, voir 125 Fcfa. Cette réduction sur la boite, est consécutive au prix « abordable » des arachides sur le marché. Le sac de 50 Kg d’arachides tintés est passé de 50.000 Fcfa à 43.000 Fcfa. Le sceau de 5 litres qui était vendu à 3000 FCfa, se vend actuellement à 2800 Fcfa.
A en croire les commerçants, la clientèle a sensiblement augmenté quelques jours après la baisse. « J’ai déjà vendu la moitié de mes 50 Kg d’arachides en une semaine », indique Thierry Tchaguen, détaillant au marché Congo. Il précise que les arachides étaient chères il y a quelques mois car c’était la période de sémis des agriculteurs. « C’est à partir du 15 mars que les producteurs mettent les graines en terre. Ils font donc de grandes réserves pour les semences, ce qui réduit la quantité destinée à la vente et augmente le coût », indique-t-il. Cependant, le prix des arachides non décortiquées, généralement consommées bouillies grimpe sur le marché. Le sac de 50 Kg, est passé de 30.000 FCfa à 42.000 Fcfa. Les grossistes expliquent que les récoltes ont sensiblement baissé.
Production
La production d’arachide au Cameroun, évolue encore dans l’informel. Délégué régional de la chambre d’agriculture, de pêche d’élevage et des forêts (Capef/Lt), Gilbert Konango, explique que les producteurs de la filière arachide utilisent encore des méthodes rudimentaires pour assurer la production. « La plupart des producteurs ne disposent pas d’équipements pour le nettoyage ou la récolte. Ils utilisent très souvent les mains pour le travail», explique l’expert, non sans préciser que la revalorisation de la filière arachide dépend, en premier chef, d’une organisation efficace et durable de la production de semences. Malheureusement, il n’existe pas de structures performantes de multiplication et de distribution de semences d’arachides au Cameroun.
Des cadres de l’Institut de Recherche Agricole pour le Développement (Irad), confient qu’aucune étude n’a encore été engagée pour la production des semences d’arachides. Les producteurs sont donc obligés de prélever du sémis dans leur récolte. « Ces semences ne sont pas de mauvaise qualité, mais la présence des nouvelles variétés pourraient doubler la production », souligne Patrick Mbida, ingénieur agronome. Selon des statistiques publiées par l’institut national de la statistique (Ins)  en 2010 et révélées dans l’annuaire statistique du Cameroun, la production d’arachide au Cameroun est passée de 253953  tonnes en 2005 à 484199 tonnes en 2008.
A en croire les opérateurs du secteur, des « quantités non négligeables » de la production d’arachide sont écoulées vers les pays frontaliers. Il s’agit notamment, du Gabon, de la Guinée Equatoriale, du Nigéria, du Tchad.  Selon l’Ins, 69,4 tonnes d’arachides coques et 179,2 tonnes d’arachides graines ont été acheminées par route vers le Gabon en 2007. La Guinée Equatoriale avait respectivement importé 40,2 tonnes et 20 tonnes. Par voie maritime l’exportation des arachides, avoisinaient 456 tonnes. Des producteurs affirment que l’exportation des arachides est plus rentable, car les coûts de transports pour les distribuer  sur le marché local sont exorbitants. « Le transport d’un sac de 50 Kgs par train coûte 5000 Fcfa et le camion 3000 Fcfa. Pour entrer dans nos comptes, on doit hausser les prix », se plaint Ousmanou Bey, producteur. Il précise que l’augmentation des coûts de transport est à l’origine de la hausse vertigineuse du prix des arachides depuis quelques années.  
Usage
Scientifiquement appelées Arachis hypogaea, les graines d’arachides sont très prisées dans l’agroalimentaire, le cosmétique. L’entreprise Inter-Agro par exemple, s’est lancée depuis quelques années dans la transformation des arachides pour la production de son huile d’arachide (huile végétale préparée et extraite à partir d'arachides au moyen d'une presse hydraulique ndlr). Les responsables expliquent sur leur site, que cette huile d’arachide de marque Tanty est  obtenue par première pression à froid des meilleures graines d’arachide et uniquement par des procédés mécaniques. Elle est ensuite filtrée sur toile de coton. Cette huile est utilisée par les ménagères pour faire frire les aliments.  Elle peut aussi être employée pour la préparation de mayonnaises ou encore de vinaigrettes pour assaisonnement.
Les propriétaires d’industries agroalimentaires, confient qu’ils sont pour la plupart confrontés à des problèmes de qualité d’arachides. Directeur Général de Inter-Agro,  Thierry Nyamen indique que « le manque de financement pour assurer un fond de roulement suffisant limite la capacité à s’approvisionner en matière première de qualité. Le problème d’aflatoxine est constant au Cameroun à cause du mauvais stockage des graines et de l’humidité ». Les industries cosmétiques sont également de gros utilisateurs d’arachides. L’huile de deuxième extraction de cette graine,  est utilisée dans l’industrie cosmétique comme ingrédient entrant dans la fabrication de savons, de laits de toilette et de cheveux, importés d’Europe, d’Asie ou d’Amérique.  Dans les ménages, l‘arachide est consommée de diverses manières : nature, bouillie’ ou grillée. Elle entre aussi dans la composition de très nombreux plats ou sauces. Dans ces derniers cas, les graines sont écrasées, crues ou cuites selon les plats et le produit obtenu accompagne légumes, viandes ou poissons. L’arachide dans les ménages peut-être aussi consommée sous forme de pâte ou de poudre. Des vendeuses commercialisent très souvent ces pâtes cuites au feu, de manière informelle. Ces industries individuelles permettent à plusieurs femmes, de « réunir des bénéfices qui nous permettent de nourrir nos familles », confie Arlette T., vendeuse de caramel au marché Central de Douala. Même dans le domaine de  l’élevage, l’arachide a un apport. Les résidus d’extraction d’huile  d’arachide sont commercialisés dans les sacs de 25 Kg et servent à l’alimentation du bétail.  
Christelle Kouétcha


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